French Arabic

Des symboles maçonniques au cœur
de la psychologie jungienne?

 

« Nous restreignons beaucoup trop les limites de notre personnalité. Nous lui attribuons seulement ce que nous discernons d’individuel, ce que nous trouvons différent. Mais chacun de nous contient l’univers tout entier et, de même que notre corps porte en lui tous les degrés de l’évolution, à partir du poisson et beaucoup plus loin encore, ainsi, dans notre âme revit tout ce qui a vécu dans toutes les âmes humaines. Tous les dieux, tous les démons qui ont été adorés une fois, que ce soit par les Grecs, les Chinois ou les Cafres, tous sont en nous, tous sont là, sous forme de possibilités, de désirs, de moyens ». p. 147

Hermann Hesse, Demian,1925

« Il est toujours dur de naître. Vous savez que l’oiseau a de la peine à sortir de l'oeuf.  Questionnez votre mémoire et demandez-vous si le chemin était vraiment si dur. Etait-il seulement difficile, ou beau aussi ? En connaîtriez-vous de plus beau, de plus facile ? » (p. 190)

Hermann Hesse, Demian,1925

Chers invités, chères Sœurs, chers Frères, ces propos n’ont nullement l'ambition de présenter une théorie psychanalytique, cette compétence revient à des personnes formées à cette approche et à des professionnels de cette science. Nous désirons simplement examiner si quelques références alchimiques de la psychologie jungienne ont un lien directe ou indirecte avec l'approche symbolique pratiquée en Franc-maçonnerie.

Bien entendu, ce que nous dirons est incomplet, maladroit et insuffisant ; cela va de soi pour les personnes qui cherchent que nous sommes tous, mais cela va encore mieux en le disant, au début de cet exposé, nous citerons la source principale de cet exposé ; il s’agit l'ouvrage de J.-L. Maxence, intitulé Jung est l’avenir de la Franc-Maçonnerie, paru aux Editions Dervy, 2004.

I  Introduction

NE LE 26 JUILLET 1875, dans le village thurgovien de Kesswil situé au bord du lac de Constance, C.G. Jung accomplit ses premiers pas dans un milieu passionné par les phénomènes religieux. Une de ses biographes (1) en ce qui concerne cette période, parle plus du rôle de son grand-père que de celui de ses parents. Le grand-père C.G. Jung senior (1794-1864) serait le fils naturel de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) et il fut Grand-Maître de la Grande Loge suisse Alpina de 1850 à 1856.

Plus tard, un oncle de C.G. Jung, Ernest Jung, devint à son tour Grand Maître de la GLSA de 1884-1890.

Il importerait d’examiner attentivement le rôle qu’ont pu jouer ces hommes. Richard Noll (2) explique que dans la fameuse tour de Bollingen. Jung fait représenter un certain nombre « d'outils et de symboles maçonniques et alchimiques ».

Du côté du grand-père maternel, on sait que le Révérend Samuel Preiswerk, chef du clergé protestant de Bâle possède la faculté de s’entretenir avec les esprits des morts.(3) Quant au père de Jung, Johann Paul Achille, théologien médiocre, il connaît bien les milieux des alchimistes et la mythologie mais sans vraiment trouver les mots pour en expliquer l’histoire et la symbolique.

On sait que Jung observa ce père plutôt désabusé ayant peut-être perdu son enthousiasme de pasteur. Il dit :

J’aurais voulu venir à son secours, mais je ne savais pas comment m’y prendre.

On dispose probablement ici d’une confidence précise et précieuse. Aujourd’hui on pourrait soutenir l’idée que Jung s’inspirant de l’histoire, de la symbolique et de l'origine des outils utilisés en Franc-Maçonnerie tente sa vie durant d’ouvrir une voie analytique pour venir apporter un peu de lumière en proposant une régénération inventant du même coup une psychologie analytique.

 Si vous le voulez bien retrouvons Jung à 25 ans ; il défend sa thèse en médecine intitulée : De la psychologie et de la pathologie des phénomènes dit occultes. Il commence ainsi une série impressionnante d’ouvrages. Au cours de ses études Jung semble pour ses camarades absorbé par ses découvertes intérieures ; en effet, l’archéologie, l’alchimie, les philosophies occultes deviennent ses domaines d’étude. Hermann Hesse (1877-1962) parlera de Jung en disant qu’il voyait en lui une montagne immense, un extraordinaire génie.

Il ajoute :

Après Freud, aucun psychiatre de notre époque, n’a autant fait pour nous aider à pénétrer l’essence de la vie psychique. Jung ne se contente pas d’en étudier les mécanismes, il ne s’y intéresse pas comme le ferait un naturaliste mais en philosophe. (4)

Etienne Perrot écrit que Jung rapproche la psychologie et la Franc-Maçonnerie puisqu’il y a convergence entre l’aventure initiatique en loge et le processus d’individuation dans l’approche analytique. Et d’ajouter : Il est le témoin d’une réalisation intérieure dont sa méthode psychologique et son œuvre sont les fruits. Cette aventure fait rentrer dans le domaine scientifique l’antique quête du Graal et l'audacieuse descente aux enfers de Faust.  

Jung proposerait non pas une doctrine mais une voie associant la reconnaissance d’un inconscient collectif en quête d’un Moi sacré à travers une psychologie qu’il fonde et la symbolique de la Franc-Maçonnerie.

La voie de C.G. Jung s’apparenterait à le refondation d’un Temple ouvert. Dans ce Temple les rituels deviennent intégrateurs et nous familiarisent avec l’inconnu qu’il soit religieux, coutumier, racial, mythique.

Jung, cet explorateur du dedans, reprend à son compte la recommandation de Jean de la Croix (1542-1591) :

«  Si tu veux arriver où tu ne sais pas, il te faut passer par où tu ne sais pas ».

Sa vision est purement dynamique. Deux concepts la résument : le devenir (Werden) et la transformation (Wandlung). L’homme est l’aboutissement de l'évolution des espèces.

Posons la question autrement, Jung aurait-il été entraîné au-delà de ses propres découvertes ? Ne dit-il pas « lorsque l’esprit entreprend l’exploration d’un symbole, il est amené à des idées qui se situent au-delà de ce que notre raison peut saisir ». Pour établir les bases de sa psychologie, donc pour mieux la comprendre, il importe de savoir que Jung « scrute les symboles collectifs et les représentations collectives religieuses » puisées dans l’univers des rêves.

Citation

Si un théologien croît vraiment en Dieu, à quel titre peut-il affirmer que Dieu est incapable de s’exprimer par le truchement des rêves ? (p. 179) (…) Les rêves sont le champ d’exploration le plus aisément et le plus fréquemment accessible pour qui veut étudier la faculté de symbolisation de l’homme (p. 38)[1]

J’aime cette image donnée par Jung lui-même, auprès la petite psychothérapie qui tend à la guérison d’un symptôme (obsession, inhibition, etc.) existe une grande psychothérapie, une entreprise de longue haleine qui ne vise pas moins que la transformation de la personnalité.

L’Echelle de Jacob, beau symbole pour parler de l’ascension et de l’initiation offre aux initiés une vision du monde, une idée des voyages et une notion de l’approche analytique jungienne proposée aux analysants et aux analysés.

Françoise Giroud (dans Leçons particulières) parle de la psychanalyse : Par l’association des mots, l’analyse induit le patient à une remise en cause généralisée de ses choix, de ses idéaux, de ses valeurs. (…) Il est impossible d’expliquer ce qui se produit en cours d'’analyse par le seul effet de la parole, de l’association des mots et de leur interprétation. Mais à quoi bon le savoir. Non seulement c’est inutile, mais un tel savoir est nuisible à ceux qui demandent assistance à l’analyse. Informés, ils croient qu’il ont tout compris alors qu’il ne s’agit pas de comprendre, mais de verbaliser. La théorie n’a jamais délivré personne de ses angoisses ni de ses névroses. (…) C’est quand on ne peut plus négocier avec soi-même, quand on souffre, qu’il ne reste plus qu’à s’étendre sur le divan en sachant que l’on y perd pour toujours son innocence vis-à-vis des pourquoi de ses propres conduites, y compris celles qui ont belle apparence. (5)

Jung ose parler de l’âme, de son approche, de sa reconnaissance qui sans doute oriente la démarche du cherchant dans le labyrinthe du monde conscient et inconscient ; tout comme en Franc-Maçonnerie, grâce à ses Sœurs et ou à grâce à ses Frères, l’initié(e) découvre le cheminement d’une existence liée aux autres, aux outils en un mot aux résurrections symboliques.

II   Le voyage intérieur

On doit ouvrir les yeux de l’esprit et de l’âme, et contempler et observer au moyen de cette lumière intérieure que Dieu a allumée depuis le commencement dans la nature et dans notre cœur.

C. G. Jung

Psychologie et alchimie, Buchet, 1979, p. 349

Puisant dans le savoir alchimique, (on parle de 10 ans de recherche) et son langage ancestral, Jung suppose que la psychologie analytique tout comme le processus franc-maçonnique constituent une avancée vers la connaissance. Mieux, Jung éclaire le monde de l’inconscient un peu comme l’œil situé derrière la Vénérable ; cet œil symbolise à la fois le Soleil d’où émane la vie et la lumière, le principe créateur et enfin, le divin ou le Grand Architecte de l’Univers.

Pour Jung, les contenus de l’inconscient collectif, ses modes de manifestations sont les archétypes. Ils sont des virtualités formatrices qui modèlent la matière indifférenciée fournie par le flux de l’énergie psychique. Ce sont des purs dynamismes qui se présentent sous des formes extrêmement variées appelés images archétypiques.

Citation :

Ce n’était pas dans l’Eglise que j’étais prêt à être accueilli mais dans quelque chose de tout à fait différent ; dans un ordre de la pensée et de la personnalité, qui devait exister quelque part sur terre, et dont le représentant ou le messager était mon ami. P. 95. Demian H. Hesse

Démarche symbolique pour l’initié, dynamisation du Soi, ainsi commence le voyage intérieur guidant vers une conscience nouvelle. En un mot, individuation comme initiation maçonnique suivent une sorte de programme graduel avec des étapes, des outils, des rituels, des exercices, une méthode globale suivants des concepts précis à élucider, pas à pas, en chacun de nous.

Dans l’aventure maçonnique, l’union entre la Terre et le Ciel remonte peut-être aux quêtes ésotériques, dans l’invention jungienne on parlera de prise de conscience de comportements pulsionnels, de sentiment de construction de soi, de déblocages relationnels, d’ouverture de « cadenas intérieurs » sous culpabilisant. Chacun connaît ces termes liés à des états d’âme conflictuels ou non. Jung parle de la construction de son Soi ou de la réalisation de soi-même. Il s’agit du concept d’individuation. L’individu en quête de Soi ne rejoint-il pas le travail maçonnique ?

L’individuation, la motivation analytique personnelle rejoint le travail de l’être humain, cet apprenti taillant sa pierre. En 1950, à 70 ans, Jung sculpta une pierre cubique et y grava le texte suivant :

Voici la pierre d’humble apparence. En ce qui concerne sa valeur, elle est bon marché. Les imbéciles la méprisent. Mais ceux qui savent ne l’en aiment que mieux. (p. 51)

En Franc-maçonnerie, nous avons appris que la pierre est cachée en chacun de nous. Et pourtant ce n’est point la matière qui signifie l’être suprême, c’est l’esprit qu’elle induit. Se prosterner devant une pierre comme signe de la Divinité participe à la démarche mystique. Dans cette démarche que l’on pourrait appelée accouchement de soi-même Jung devient guide spirituel, d’autres affirmeraient maçon sans tablier, à chacun de répondre. 

En 1928, en lisant Le Mystère de la fleur d’or, Jung se décide de parler d’individuation et aborde la question de l’immortalité, démarche alchimique par excellence. En psychologie analytique, le décryptage de figures archétypiques, le repérage des attitudes projectives, le renforcement de l’indépendance constituent les éléments d’une autonomie personnelle. Cette individuation salvatrice par l’intermédiaire d’outils symboliques maçonniques ou selon le cheminement d’une vision jungienne suscite la rencontre ou l’éveil de soi-même ou l’accueil de la Lumière pour utiliser un terme maçonnique.

Œuvrer toute sa vie à décrypter les archétypes du monde, mettre à portée de tous ses propres investigations, voilà l’entreprise épanouissante pour chacun menée par Jung. Est-elle identique à la démarche maçonnique ? Suit-elle dans une autre langue, celle de la psychologie des profondeurs, utilise-t-elle les mots de la Fraternité active, voilà qui nous ramène à notre sujet.

III   La filiation

CHACUN DE VOUS SE SOUVIENT que le Rite Ecossais Ancien et Accepté, (REAA) parle de cette lumière éclairant "l’esprit humain que lorsque rien ne s’oppose à son rayonnement"

Le travail de reconquête de son propre moi exige la mise en place d’un processus ; celui-ci passe par une parole libératrice, la formulation du langage de l’inconscient acheminant petit à petit la personne à une transformation par de nouveaux liens relationnels avec la société et le milieu qu’elle choisi d’adopter.

Citation :

Je laissai aller mon pinceau ; sans modèle, des lignes étaient tracées, des surfaces remplies, toutes surgies de mon inconscient. (…) Je regardais la feuille, les épais cheveux bruns, la bouche à demi féminine, le front puissant d’une sérénité singulière. (…) Je sentais s’éveiller en moi la réminiscence, la connaissance. p. 119 Demian H. Hesse, 1925.

Initiation maçonnique et psychanalyse jungienne voici deux démarches qui visent à la conquête de sa richesse intérieure et à un supplément d’épanouissement. Le concept de persona, renvoie autre signification désigne au travail d’identité que chaque personne accomplit dès son plus jeune âge. Ici Jung face à son père, se mesure à son grand-père et face à l’image d’un Goethe symbolique se confronte à S. Freud.

Ce travail d’arrachement accompli par Jung lui permet de décrire les fonctions que peuvent jouer les rôles de la persona pour grandir par délivrances successives vers une plus grand autonomie. La mort de son père coïncide avec le choix de la psychiatrie. Il écrit : en un éclair, comme par une illumination, j’avais compris qu’il ne pouvait y avoir pour moi d’autre but que la psychiatrie. (p. 76) Par cette orientation, très tôt, Jung refuse la non-dualité, il admet être un rêveur sans complexe et une pragmatique rigoureux. En cherchant, en étudiant, en scrutant les racines de la conscience, le contenu de travaux alchimiques, l’histoire des personnages bibliques, il rassemble ce qui est épars et opposé.

Pour lui : l’archétype est en réalité une tendance instinctive aussi marquée que l’l'impulsion qui pousse l’oiseau à construire un nid et les fourmis à s’organiser en colonie, (p. 118)

C. G. Jung, Essai d’exploration de l’inconscient, Denoël, 1964

Cette ouverture d’esprit lui apporte la notion centrale du processus d’individuation, concept forgé à partir de son histoire personnelle. Revenons à Goethe, son supposé arrière grand-père comme expliqué plus haut.

On sait que l’œuvre de Goethe, intitulée Faust, opéra sur Jung comme un baume miraculeux coulant sur son âme. (p. 82) ; nous parlerions d’un héritage symbolique. Peut-être que les questions que se posent Jung a cette époque, apparaissent primordiale pour Faust qui s’interroge sur la destinée de l’humanité et sur le rôle de Méphisto ombre de l’homme et de son évolution qui le contrecarre. Cette réalité, ce Faust, Pouchkine (1799-1837) la qualifie d’Illiade de la vie moderne. G. Lukacs (1855-1971) parle d’une œuvre qui traite de la destinée de l’humanité toute entière. En 1934, Jung écrit ce que l’on appelle exploration de l’inconscient dévoile en fait et en vérité l’antique et intemporelle voie initiatique. (p. 85)

Goethe et Jung ouvrent tous les deux des espaces intérieurs pour que l’individu épanoui puisse vivre actif et libre de concert avec les autres individus, ses Sœurs, ses Frères, qui forment la société. Nous avons parlé plus haut de filiation parce que lorsque Jung dit : J’ai très fortement le sentiment d’être sous influence de choses et de problèmes qui furent laissés incomplets et sans réponse par mes parents, mes grands-parents, et mes autres ancêtres. (p. 92)

Peut-on parler, à ce propos de l’esprit maçonnique transgénérationnel ?

Né dans un environnement familier des symboles, il en devint après une quête passionnée, un expert mondiale (p. 92). La symbolique maçonnique a-t-elle inspiré profondément Jung ? Son concept propre à sa psychologie des profondeurs à savoir le processus d’individuation, provient sans doute comme le laisse entendre Jean-Luc Maxence, déjà cité, en legs royal, un grand nombre d’outils maçonniques qu’il transpose afin d’explorer les profondeurs de la psyché.

A partir de l’étude des traités alchimiques et de la lecture des œuvres de chercheurs parmi lesquels Bacon (1214-1294), Arnaud de Villeneuve. Saint Thomas D’Aquin (1228-1274), Isaac Newton (1642-1727), Jung comprend qu’il existe une « concordance entre les images de l’alchimie et celles de l’inconscient de l’homme moderne. Dans cette avancée la démonstration de l’existence des archétypes et de l’inconscient collectif va suivre. Mircea Eliade (1907-1986), Henry Corbin, Georges Dumézil (1898-1986) ont longuement évoqué cette patiente initiation destinée à transformer la condition humaine. (p. 102) Ici l’or de la recherche alchimique, c’est l’immortalité ou la spiritualisation du corps. L’Alchimie une des voies de l’ésotérisme deviendra le fil d’Ariane des recherches de Jung. Dès 1928, Jung concentre ses recherches sur l’alchimie et ses représentations pour fonder plusieurs éléments de la psychologie des profondeurs fondateurs de l’inconscient collectif. L’étude et l’observation des mythes et des contes, de la littérature universelle permet de signaler leur existence partout et toujours. (p. 108)

A PARIS, JUNG se perfectionne et suit les cors au Collège de France, puis se tend en Angleterre. De retour en Suisse, il épouse Emma Rauschenbach. De cette union naîtront 5 enfants. A Zürich, Jung, chef de clinique de 1905 à 1909 travaille sur les associations de mots sous l’impulsion du professeur Eugen Bleuler (1857-1939)

Dès 1909, il se fait construire une pittoresque demeure, il s’agit de la fameuse tour de Bollingen. Un de ses biographes signale que dans cette tour, Jung fait représenter un certain nombre d’outils et symboles alchimiques ; là commence son activité professionnelle, il reçoit une clientèle privée. La question de la religion, objet d’étude privilégié intéresse à cette époque Jung et son confrère aîné de 17 ans, Sigmund Freud (1856-1939).

Rendons hommage à Sigmund Freud et à son courage qui dès 1900 publie des ouvrages, notamment L’interprétation des rêves qui bouleversent les connaissances acquises alors en psychologie et qui observe les travaux de Jung comme une continuité exploratoire de ses propres études.

Prenons le seul exemple, celui de la libido. Freud définit ce concept en parlant d’une pulsion sexuelle, Jung décrit une énergie psychique capitale, une force vitale.

Durant sept ans, leur relation passera de la fascination instaurant une relation maître-disciple à une scission théorique instaurant deux mouvements psychanalytiques. Freud lui demande de ne pas abandonner la théorie sexuelle. Il lui somme d’en établir un bastion inébranlable, un dogme. Jung le scientifique de l’alchimie inconsciente accepte l’hypothèse provisoire et réfute l’article de foi éternellement valable. Par cette attitude n’adopte-t-il un comportement maçonnique ouvert aux remises en question ?  

Encore une fois on aperçoit dans la pensée de Jung, plusieurs âges au cours de l’existence, cette idée fait peut-être référence aux grades de la maçonnerie, donc à la symbolique ?

Jung dans Les racines de la conscience, parle du travail accompli par les Frères : Si l’explication avec l’ombre est l’œuvre de l’apprenti et du compagnon, l’explication avec l’anima est l’œuvre du maître. (P. 44)

Définition

L’ombre : caractéristiques peu flatteuses ou déplaisantes de la personne, les façons de se comporter, de s’exprimer ou de penser que la personne n’aime pas reconnaître en elle-même. Ces caractéristiques semblent échapper à la volonté consciente de la personne. Une analyse permet de prendre conscience de cette façon dont agit l’inconscient.

L’anima et l’animus

p. 99 et 100

Archétype, p. 101

Jung en reliant la symbolique universelle et la démarche initiatique ne jette-t-il pas un pont entre la psychologie analytique et la Franc-Maçonnerie ?

La maçonnerie à l’éclairage jungien construirait-elle son avenir puisque l’homme contemporain entreprend de plus en plus l’étude des symboles et leurs significations. Selon Jung la vie comporte 9 étapes : la naissance, l’enfance, la passage à l’adolescence, le lever de la maturité, le temps du milieu de la vie, la maturité, le passage vers la fin de la vie, la vieillesse, la mort.

En construisant, une tour comme lorsqu’il était gosse, (p. 138), Jung accomplit un rite. En satisfaisant un besoin de ritualisation, en usant de pierres comme véhicules symboliques, Jung n’accepterait-il pas, pense J.-L. Maxence, une dette de reconnaissance à l’égard de son « héritage maçonnique » ? Sculptures, constructions deviennent rite d’entrée, ou socle de sanctuaire, vers de nouvelles découvertes (p. 139) marquant les étapes de son individuation, de sa posture individuelle, de son assise psychologique. Le silex transformerait la pierre comme outil travaillant l’inconscient un peu comme la franc-maçonne et le franc-maçon, sur le chemin de son initiation. Jung frappe la pierre, dessine les armoiries de sa famille, interroge les traités d’alchimie, force les portes de sa loge, de son inconscient, de son soi, interroge les religions.

L’écrivain Miguel Serrano, après plusieurs entretiens avec Jung et Hesse, écrit :

Plus je pénétrais dans l’œuvre de Jung, plus je devenais conscient du parallèle qui existait entre sa psychologie des profondeurs, par exemple, et un chemin initiatique ; j’avais l’impression qu’un langage au deuxième degré sous-tendait ses œuvres, dont il n’était peut-être pas lui-même conscient. (…) Jung cherchait à établir un dialogue entre l’individu et l’univers, sans pour autant écarter le concept de personnalité ou d’ego. (7)

Selon J.-L. Maxence, Jung transpose la symbolique maçonnique dans le champ de l’analyse de l’âme humaine (p. 144) et donne aux études consacrées à l’être humain une approche maçonnique, une pédagogie adaptée aux étapes du développement de la personnalité.

V Les symboles, voie de l’initiation

Tout symbole est dynamique et permet de passer d’un sens à un autre, mu par un élan, une sorte de ricochet du raisonnement et de l’imaginaire. La démarche initiatique de type maçonnique et la psychologie des profondeurs livrent un même combat et raisonnent l’une comme l’autre par analogie. (p. 163). L’histoire de l’âme humain dévoile ses mystères et a recours aux symboles ; on connaît les fonctions de l’animus et de l’anima, du soleil, de la lune, de l’ombre, de l’alter ego, du double, concepts à caractère mythologique permettant d’apporter une explication dynamique

[la lune symbole de transformation et de croissance, l’ombre, image même des choses fugitives, changeantes, l’anima exerce une formation médiatrice entre le moi et le soi, ce dernier constituant le noyau de la psyché. Pour Jung l’anima comporte plusieurs stades de développement.]

En maçonnerie évoluer en travaillant sur les outils symboliques, en passant progressivement de l’équerre au compas sans oublier la règle, le fil à plomb, le niveau et parfois même la hache qui fend et le maillet qui stimule ou écrase, c’est toujours se réconcilier avec soi-même, se rassembler, décanter sa personne véritable pour mieux engager son éclosion, selon une méthode de progression particulière ». (p. 164)

Chacun de ces outils renvoie à une signification symbolique, le compas, la juste mesure, l’équerre, concilie les contraires et est à l’image de ce que doit être le discours d’un(e) initié(e), parfaitement ordonné. La guérison de l’âme passe fréquemment par l’acceptation et l’appréhension intelligentes de l’ombre. Apprivoiser par un approche progressive la terre inconnue de son propre inconscient !

Jung explique que parmi ses patients ayant passé 35 ans, plus d’un s’interroge quant à la religion et aucun n’est guéri tant qu’il n’a pas trouvé une attitude religieuse, ce qui n’a d’évidence rien à voir avec une confession ou l’appartenance à une Eglise (p. 191). Jung insiste sur cette totalité psychique cohérente puisque « toute religion dit quelque chose de la nature cachée de l’homme et tend à dévoiler son fond ultime » (8) En écho s’impose le concept maçonnique du Grand Architecte de l’Univers incluant la symbolique du Soi et l’idée de transcendance. Loin d’apporter une preuve de l’existence de Dieu, Jung poursuit ses travaux confiant en une présence archétypique ou archétypale de la divinité. Pour lui la vie est sens et non-sens à la fois ou encore elle a du sens et elle a du non-sens. Dans cette  angoisse, je garde l’espoir, en fin de compte, c’est le sens qui l’emporte. (p. 193).

En appliquant les leçons de Jung à son œuvre, on peut souligner son ardente volonté à comprendre le domaine de l’inconscient suivant en cela deux voies ; l’on pour découvrir les richesses individuelles guidant vers l’individuation, l’autre l’inconscient collectif structuré par des archétypes.

On peut également signaler une œuvre originale suscitant l’admiration et l’opposition ; la première permettant d’accroître le niveau de compréhension des personnes intéressées par leur fonctionnement psychique conscient et inconscient, les secondes offrent un champ d’explication passionnant.

On peut aussi parler d’un intérêt transversal où la vie comme une énergie rassemble les forces qui concilient les contraires dans une dynamique identitaire.

P. Courthion, un Frère de notre Loge,  rapporte :

On sentait en Jung des idées remontant jusqu’au fond des âges, comme il lui en venait sans doute quand, au bord du lac, devant sa tour d’aspect médiéval, il se mettait à couper du bois et retrouvait la vieille simplicité de l’homme. Je l’imaginais, nouveau Jonas, rejeté des profondeurs de la mer.

[Pierre Courthion, a parlé de sa rencontre avec Jung dans Pierre Couthiou D’une palette à ll’autre, La Baconnière/Ats, 2004, p. 167-168.]

       Après la guerre, Jung aimait répéter : "Je puis seulement espérer et souhaiter que personne ne devienne jungien… je ne peux pas de disciples aveugles." Cette belle invitation, nous renvoie aux maçons qui à l’époque de la construction des cathédrales, s'appelaient les maçons opératifs. Les mouvements de conscientisation des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle ouvrent le chemin des cathédrales personnelles, à ce moment la maçonnerie devient un travail intériorisé, personnalisé, une spiritualisation active en Loge souvent secrète. Les outils des maçons opératifs deviennent patrimoine symbolique pour les loges masculines et féminines spéculatifs contemporains. Les loges féminines ont hérité d’outils identiques puisqu’à l'époque des loges dites opératifs, les femmes n’exerçaient pas les métiers des Frères maçons. Toutefois les outils utilisés symbolisaient les métiers qui aujourd’hui ce sont étendus dans le cadre de pratiques professionnelles non discriminatoires. Ainsi les outils animent les loges de tout ordre et font partie du patrimoine universel. Avant de laissez notre Vénérable dire les mots de la fin de cette tenue, H. Hesse aimerait nous parler en images des âges de notre vie :  

Au matin, le soleil émerge de l’océan nocturne de l’inconscient et contemple la vaste étendue étincelante qui s’offre à lui dans un mouvement d’expansion qui s’élargit à mesure qu’il monte en firmament. Dans l’extension de son champ d’action qu’entraîne son propre lever, le soleil va découvrir sa propre signification ; il va se voir atteindre son zénith et la plus ample dissémination de ses bienfaits où il reconnaît son véritable but. Au douzième coup de minuit, le soleil va amorcer sa descente, le soleil entre alors en contraction avec lui-même, on dirait qu’il absorbe ses rayons au lieu de les émettre. Lumière et chaleur déclinent pour finir par s’éteindre. Heureusement, nous ne sommes pas des soleils levants. Mais il y a en nous quelques chose qui ressemble au soleil,et parler du matin et du printemps de la vie, de son déclin et de son automne ne relève pas d’un simple jargon sentimental. »

(129, p. 233-253 Alpina 10/2003)

Annexes pour information

Avant de conclure, je voudrais vous parler d’un diplomate qui a entretenu une correspondance avec H. Hesse et C.G. Jung en se rendant à plusieurs reprises au Tessin et au bord du lac de Zurich. « Ces deux hommes avaient trouvé une satisfaction profonde dans leur travail parce qu’ils avaient pu y exprimer leur être profond. Si je devais tenter de les comparer, je dirais que Hesse m’a transmis un plus fort sentiment de paix et de sérénité. Jung jusqu’au dernier moment, semblait encore être en quête de quelque chose. Peut-être sa voix était-elle du magicien qui, contrairement au saint, ne s’attache pas à trouver la fusion ou la paix sur le plan divin, mais poursuit éternellement une voie royale, avec toutes ses peines. Mais je ne puis en être certain. Si Jung était un homme de science capable de relater ses découvertes dans le langage ordinaire des homme, il représentait en même temps un être étrange rapportant des expériences improbables dans une langue en conflit avec celle de la science officielle. Il a apporté de nouveaux termes pour exprimer les mystères issus de la tradition sans âge de l’homme. (Miguel Serrano, C.G. Jung et Hermann Hess, récit de deux amitiés, Georg, 1991, p. 133)

     Nous nous proposons de conclure avec J.-L. Maxence en retenant la symbolique des colonnes du Temple maçonnique, Freud au sein de cette image répondrait au principe du Boaz symbolisant la « en lui la force », Jung plutôt Jakin, symbolisant le principe « il établira ». La voix du médecin de l’âme connaît depuis quelques années une audience remarquable puisqu’elle propose une liaison de l’ordre et du désordre, une union de la séparation et de la non-séparation, une vision de la fraternité, une dépassement du rationnel, dans une perspective d’harmonie suprême, à l’aide d’un travail permanent introspectif. En se reliant les responsables des obédiences et en s’intéressant à l’enseignement de la psychologie des profondeurs, ils aideront les humains à soutenir la transformation individuelle et collective qui est le vocation de la Franc-Maçonnerie.

***

(1) Barbara Hannah, Jung, sa vie et son œuvre, Dervy, 1989.

(2) Richard Noll, Jung, le Christ Aryen, Plon 1999.

(3) Jean-Luc Maxence, Jung est l’avenir de la Franc-Maçonnerie,Dervy, 2004. Nous tenons à signaler à nos lecteurs que cet ouvrage sert de fil conducteur à cet exposé et que nous signalons le plus souvent cet auteur au cours de ce texte en faisant la mention des pages de son ouvrage.

(4) Hermann Hesse, La Bibliothèque universelle, José Corti, 1995, p. 385.

(5) Françoise Giroud, Leçons particulières, Fayard, 1990, p. 110.

(6) Jean Mourges, La Franc-Maçonnerie, société initiatique des temps modernes, Dervy 2002.

(7) Miguel Serrano, C.G. Jung et Hermann Hesse, Georg, 1991, p. 57.

(8) Ysé Tardan-Masquelier, C.G. Jung, la sacralité de l’expérience intérieure, Droguet et Ardant, 1992

*** *** ***


 

horizontal rule

[1] Essai d’exploration de l’inconscient, C.G. Jung, Denoël, 1964

  

 

 ÇáÕÝÍÉ ÇáÃæáì

Front Page

 ÇÝÊÊÇÍíÉ

                              

ãäÞæáÇÊ ÑæÍíøÉ

Spiritual Traditions

 ÃÓØæÑÉ

Mythology

 Þíã ÎÇáÏÉ

Perennial Ethics

 ÅÖÇÁÇÊ

Spotlights

 ÅÈÓÊãæáæÌíÇ

Epistemology

 ØÈÇÈÉ ÈÏíáÉ

Alternative Medicine

 ÅíßæáæÌíÇ ÚãíÞÉ

Deep Ecology

Úáã äÝÓ ÇáÃÚãÇÞ

Depth Psychology

ÇááÇÚäÝ æÇáãÞÇæãÉ

Nonviolence & Resistance

 ÃÏÈ

Literature

 ßÊÈ æÞÑÇÁÇÊ

Books & Readings

 Ýäø

Art

 ãÑÕÏ

On the Lookout

The Sycamore Center

ááÇÊÕÇá ÈäÇ 

ÇáåÇÊÝ: 3312257 - 11 - 963

ÇáÚäæÇä: Õ. È.: 5866 - ÏãÔÞ/ ÓæÑíÉ

maaber@scs-net.org  :ÇáÈÑíÏ ÇáÅáßÊÑæäí

  ÓÇÚÏ Ýí ÇáÊäÖíÏ: áãì       ÇáÃÎÑÓ¡ áæÓí ÎíÑ Èß¡ äÈíá ÓáÇãÉ¡ åÝÇá       íæÓÝ æÏíãÉ ÚÈøæÏ