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Moucharabieh
Ma tresse, je la dénoue Ma tresse, je la noue Mâle après mâle, je les énumère Ainsi est mon temps sucré ; mes fruits alanguis n’anticipent pas le bourdonnement des abeilles sur leur peau tannée : une vapeur s’échappe de ma tasse de café, fil qui se hisse, séduit l’espace, articule les frontières entre l’ombre et la lumière, tâte le bois qui enlace le cou du bois, s’en va :
ni lumière, ni ombre
J’ai un prénom semblable à celui d’une femme – non qu’il ait deux seins, mais parce que mon prénom n’a rien d’un prénom d’homme
Et ma tresse, je la noue, ainsi, ne la dénouant pas Ainsi, sucré est mon temps ; ainsi : ni lumière, ni ombre Ainsi, la peau d’une pêche devient si fragile sur ma joue ; plus savoureux encore que le nom d’une pêche est son jus sur mon doigt :
Les choses sont délimitées pour qu’elles transgressent leurs limites ; ainsi, l’Univers d’une brèche entre deux contraires s’est déployé
Ainsi les vois-je passer : mâle après mâle, je les dénombre, cerf après cerf Les fenêtres somnolent à l’odeur de leurs membres De leurs doigts revêches ils arrondissent les angles des ruelles Par leurs souffles âpres ils adoucissent l’air damascène
Et ma tresse, je la noue, moi – la plurielle – lors de leur passage sous l’aisselle de mon alcôve : à chacun : deux yeux ; à moi : les yeux de tous moi – la plurielle – dans l’orange amère, mûre à se fissurer, tant est fort leur désir J’emplis leurs rêves dans le flacon de musc de mon sein et mon ombre cachée se déploie en une pleine de senteurs dans leur sommeil
Et ma tresse, je la noue : combien de cieux s’écoulent-ils avec le Kohl entre deux cils ? Béances, béances Et j’enfourche leur stupeur au-delà de leurs rêves Béances, yeux et sentiers est ma moucharabieh, sentiers – et leur trône est mon sein et leur retour – mâle, cerf – sentiers qui croulent sous leurs sueurs Ainsi : ni proximité, ni éloignement Comme le bois enlaçant le cou du bois Comme le pli d’une robe Comme la distance la séparant de la rose damascène languissante sur la pente douce de mon ventre Et ma tresse, je la dénoue : ni lumière, ni ombre Ainsi est mon Temps et mon Royaume – plus loin de la courbe des venelles là-bas Lyon, mars 2005 *** *** *** Traduction arabe de Bénédicte Kachée, revue par Nabil Ajan, Rim Khattab et D. |
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