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Des Israéliens se joindraient aussi au convoi
A peine la nouvelle était-elle lancée, dimanche, de la construction de 750 unités de logement supplémentaires dans la colonie de Givat Ze'ev, qu'au plus haut niveau de l'Autorité Palestinienne on s'empressait de condamner la chose. La place prééminente accordée à ces condamnations dans les médias palestiniens est inversement proportionnelle à leur importance. Il suffit de changer le nom de la colonie et le nombre de nouvelles unités de logement : des condamnations formulées dans les mêmes termes, on en a entendu depuis les accords d'Oslo et Israël a simplement continué d'étendre les colonies. Les hauts responsables de l'Autorité Palestinienne diront, à juste titre, que leurs condamnations ne sont pas les seules à ne pas arrêter les colonies. L'Europe condamne, « la Paix Maintenant », l'ONU, et même Condoleezza Rice s'irrite à l'occasion, comme aussi les plus fameux auteurs israéliens. Les colonies s'étendent et, avec elles, les routes interdites aux Palestiniens. C'est à juste titre aussi qu'ils diront que la tactique apparemment inverse de la tactique des négociations (et des condamnations) – c'est-à-dire les tirs de roquettes Qassam, les actions de guérilla et les attentats-suicides – est également inefficace et qu'elle a, en réalité, fourni à Israël de nouveaux prétextes pour confisquer des terres (l'évacuation des colonies de la Bande de Gaza était un coup brillant, de la part d'Israël, pour accélérer la coupure politique entre Gaza et la Cisjordanie, sous couvert d'un « commencement de retrait »). Les condamnations palestiniennes ont seulement une fonction interne. Manière de dire à la population palestinienne que ses représentants sont avec elle, sur le même bateau, et qu'ils endurent l'occupation avec la même faiblesse. De même que la lutte armée est destinée à montrer à la population palestinienne quelle organisation satisfait le mieux à la vengeance. Les condamnations régulières des hauts responsables de l'Autorité Palestinienne nous les montrent dans toute leur impuissance et leur grotesque. Ils ne cessent de signifier à Israël comme aux Palestiniens que peu importe combien de nouvelles maisons s'ajouteront aux colonies, il est sûr, toujours, que le partenaire palestinien tiendra sa place dans le grand spectacle du « processus de paix ». Les négociations et la lutte armée ne sont pas les seuls moyens de lutte contre l'occupation. La question de savoir pourquoi les Palestiniens n'adoptent pas les méthodes du Mahatma Gandhi est à adresser aux responsables de l'Autorité Palestinienne, et pas aux millions de Palestiniens qui mènent jour après jour une lutte non armée contre des mécanismes sophistiqués, perfectionnés, d'oppression. Les condamnations seraient entendues tout autrement si ceux qui les prononcent prenaient l'initiative d'un ensemble réfléchi et structuré d'actions de désobéissance civile contre les tactiques israéliennes d'annexion. Les destinations ne manquent pas. Plusieurs centaines de barrages de béton et de levées de terre bloquent les sorties des villages ? Il y a moyen d'envoyer un bulldozer, sous financement de l'Autorité, pour en dégager un, chaque jour. Le bulldozer serait accompagné de hauts responsables : issus du cabinet de Mahmoud Abbas, y compris lui-même, ou chefs des services de sécurité, membres du comité central de l'OLP, hauts responsables du Fatah, ministres du gouvernement et directeurs généraux. Il y a des routes interdites aux Palestiniens ? Que tous ceux-là, rejoints aussi par des habitants de la Cisjordanie, forment un long convoi de voitures qui emprunteraient ces routes. Beaucoup d'Israéliens seraient heureux de se joindre à un tel convoi. Toute construction et tout développement sont interdits en Territoire C ? Que le Bureau palestinien au plan donne l'ordre aux ministères palestiniens compétents d'installer des lignes électriques, de préparer l'infrastructure permettant de relier des villages au réseau d'eau, de creuser des citernes pour recueillir les eaux de pluie, de construire des écoles, des dispensaires, des maisons. Peut-être aussi de creuser des puits. Tout ce que les autorités d'occupation interdisent de faire sur 60% du territoire de la Cisjordanie. Là aussi, les Israéliens opposés à l'occupation seront nombreux à être d'accord de s'y associer. L'Administration civile [israélienne] viendra tout démolir ? Qu'on reconstruise. Les hauts responsables présents seront arrêtés ? Excellent. Les habitants de Bil'in sont-ils les seuls à mériter d'être arrêtés pour leur résistance non armée contre l'occupation ? Il y a moyen de proposer encore des centaines d'opérations de ce genre qui remplaceraient le « plan gouvernemental » palestinien et détourneraient les hauts responsables des jeux du « semblant d'Etat » pour les ramener à la lutte pour la libération. A elles seules, ces opérations n'arrêteront certes pas la colonisation, mais il y a en elles un potentiel de rupture de ce statu quo si confortable pour Israël (expansion des colonies, négociations interminables, condamnations, tirs). Il y a là tout un potentiel de changement des rapports d'aliénation entre le peuple et ses représentants, et de création d'un nouveau type de diplomatie palestinienne. Mais la raison pour laquelle cette perspective n'a aucune chance est évidente. La direction actuelle de l'Autorité Palestinienne et de l'OLP a pris l'habitude de vivre comme une nomenklatura. Elle confond les intérêts de son peuple avec son statut symbolique, de représentation, relativement confortable, offert en échange de sa bonne disposition à prendre part au show de la respectabilité dicté par l'Amérique et l'Europe, au bénéfice d'Israël. Haaretz, 13 mars 2008 *** *** ***
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