Une minute de sagesse

Anthony de Mello

LA SENSIBILITÉ

-          Comment ressentir mon harmonie avec la création ?

-          En écoutant, répond le Maître.

-          Et comment dois-je écouter ?

-          Deviens une oreille qui prête attention à tout ce que dit l’univers. Dès que tu entends tes propres paroles, cesse d’écouter.

L’ILLUSION

-          Comment atteindre la Vie Éternelle ?

-          La Vie Éternelle, c’est maintenant. Plonge-toi dans le Présent.

-          Mais ne suis-je pas déjà dans le présent ?

-          Non.

-          Pourquoi ?

-          Parce que tu n’as pas abandonné le passé.

-          Pourquoi devrais-je abandonner le passé ? Il n’est pas si mauvais.

-          On n’abandonne pas le passé parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il est mort.

L’AMÉLIORATION

Un jeune homme gaspille toute la fortune dont il a hérité. Comme il arrive souvent dans ce genre de situation, il est abandonné par tous ses amis. Désespéré, il va trouver le Maître et lui dit : « Je n’ai plus ni argent ni amis. Que va-t-il m’arriver ? »

-          Ne t’en fais pas, mon fils. Un jour, tout ira bien.

Le jeune homme a une lueur d’espoir dans le regard.

-          Serai-je un jour à nouveau riche ?

-          Non. Mais tu t’habitueras à être pauvre et solitaire.

L’IGNORANCE

Le jeune disciple est un véritable prodige. Émerveillés par son savoir, les érudits viennent de partout pour lui demander conseil.
Lorsque le gouverneur se met à la recherche d’un conseiller, il va voir le Maître et lui demande :

-          Est-il vrai, Maître, que ce jeune homme sait tant de choses ?

-          A vrai dire, répond le Maître, perplexe, ce garçon lit tellement que je ne vois pas où il pourrait trouver le temps d’apprendre quoi que ce soit.

LA PAROLE

Le disciple meurt d’envie de raconter au Maître la rumeur qu’il a entendue au marché.

-          Attends un instant, dit le Maître. Que comptes-tu nous raconter ? Est-ce une chose vraie ?

-          Je ne crois pas.

-          Une chose utile ?

-          Non.

-          Drôle ?

-          Non.

-          Alors pourquoi devrions-nous l’entendre ?

LE MOUVEMENT

Aux disciples qui ne cessent de demander qu’on leur transmette des paroles de sagesse, le Maître dit : « La sagesse ne s’exprime pas par la parole, mais par l’action. »
Mais lorsqu’il les voit se lancer dans l’action, il rit de bon cœur et dit : « Ce ne sont pas des actions, mais de l’agitation. »

LES RÊVES

-          Quand parviendrai-je à la connaissance ?

-          Quand tu verras, dit le Maître.

-          Quand je verrai quoi ?

-          Les arbres, les fleurs, la lune, les étoiles…

-          Mais je vois ces choses tous les jours.

-          Non. Ce que tu vois, ce sont des arbres, des fleurs, une lune et des étoiles sans valeur. Car tu ne vis pas dans la réalité mais dans tes paroles et tes pensées.

SANS RÉPONSE

-          À quoi vous servent vos connaissances et vos dévotions ? Un âne devient-il plus sage lorsqu’il vit dans une bibliothèque ? Une souris parvient-elle à la sainteté parce qu’elle vit dans une église ?

-          Alors de quoi avons-nous besoin ?

-          Vous avez besoin d’un cœur.

-          Et comment l’obtient-on ?

Le Maître se tait. Que peut-il dire qui ne soit pas transformé en sujet d’apprentissage ou de dévotion ?

LES PAROLES

Les disciples sont plongés dans une discussion portant sur un dicton de Lao Tseu : « Ceux qui savent ne disent pas. Ceux qui disent ne savent pas. »
Lorsque le Maître fait son apparition, ses disciples lui demandent le sens de ces paroles.
Le Maître leur répond : « Lesquels d’entre vous connaissent le parfum de la rose ? »
Tous le connaissent.
Il leur dit : « Décrivez-le ! »
Les disciples restent muets.