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Mille ans d’histoire

Histoire de la Syrie (Bilād al-Chām)

de la conquête grecque à la conquête arabo-musulmane

(333 av. J.-C. – 635 apr. J.-C.)

 ÓãíÑ ÚäÍæÑí

Samir Anhoury

 

La violence est accoucheuse d’Histoire.

Hegel

 

Avant-propos

Syrie, « berceau des civilisations », Syrie, « carrefour des civilisations et des grandes voies commerciales du monde ancien », la Méditerranée, « centre de l’Antiquité ». Ces formules et quelques autres du même genre, devenues classiques et incontournables dans chaque texte, article ou même brochure touristique ayant la Syrie comme sujet, sont devenues depuis quelques décennies plutôt réductrices et vides de sens.

Pourtant, ces clichés, devenus presque banals à force d’être répétés, offerts à la consommation des masses comme articles de publicité touristique et commerciale, renferment, pour qui sait les déchiffrer et désire les comprendre, des événements d’une importance capitale dans l’histoire de l’Humanité, un héritage culturel et historique sans équivalent dans l’histoire des civilisations.

Ce récit, que j’ai voulu simple et court, est une synthèse de mes lectures passées et présentes, où j’essaye de dégager de tant d’événements importants qui ont marqué une période aussi longue un récit rigoureusement chronologique, appuyé sur des faits historiques incontestables et attestés par des ouvrages et des références historiques sérieuses.

Mille ans d’histoire de mon pays – une histoire que j’ai voulu transmettre à tous ceux qui pensent que pour comprendre le présent il est essentiel de connaître le passé.

333 av. J.-C. – 635 apr. J.-C. Entre ces deux dates, l’Occident s’est forgé une identité au contact des civilisations antiques de l’Orient. Depuis lors, ces deux entités, Orient et Occident, sont intimement liées. Les hommes politiques qui décident actuellement du sort des hommes et des nations doivent être conscients de cette réalité s’ils ne veulent pas mener le monde vers sa perte.

Pour Montesquieu, parmi les vertus nécessaires aux grands hommes : « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux. »

Damas, 5 octobre 2004

 

Préface

Les premiers États qui ont préfiguré les États modernes sous leur forme actuelle sont nés vers quatre mille ans avant Jésus-Christ. Ils se sont articulés autour de cinq grands fleuves, source de vie et de civilisation : le Nil, l’Euphrate et le Tigre, l’Indus et le Fleuve Jaune. Le premier fut l’Égypte vers 3500 av. J.-C. Le second apparut en Mésopotamie vers 2600, puis, quinze siècles plus tard, apparurent ceux de l’Inde et de la Chine.

Ces quatre civilisations ont donc existées ensemble vers 1000 av. J.-C., celle de l’Égypte en Afrique du Nord et les trois autres en Asie, regroupant, chacune, une population estimée à une dizaine de millions d’habitants environ et reliées entre elles par des contacts commerciaux, plutôt distendus avec l’Inde et la Chine, mais très étroits entre l’Égypte et la Mésopotamie.

 l’âge de bronze (IIIe millénaire av. J.-C.), l’Égypte fut l’éducatrice des îles méditerranéennes, comme la Crète, grande île située au nord de la côte égyptienne, qui possédait une civilisation raffinée et une flotte maritime pour le commerce.

Les Grecs et les Phéniciens, deux peuples éduqués par la Crète, la conquirent ou la dominèrent au premier millénaire avant notre ère. En Méditerranée, ces deux peuples vont se partager, sans se faire la guerre, des zones d’influence commerciales. Toutefois, à la différence des Phéniciens, peuple essentiellement commerçant, les Grecs inventèrent et expérimentèrent dans leurs cités plusieurs types de gouvernement politique : démocratie[1], monarchie[2], ploutocratie[3], oligarchie[4], etc.

En Méditerranée, les dizaines de cités grecques, dont Athènes, Sparte et d’autres, parlaient la même langue, adoraient les mêmes dieux et avaient en général une histoire commune, bien qu’elles soient divisées et se livraient combat entre elles (guerres du Péloponnèse[5]). Le roi Philippe de Macédoine, de culture grecque, mit fin à cette division en pacifiant les différentes citées et leur imposant son protectorat (bataille de Chéronée en 338 av. J.-C.). À sa mort, survenue en 336 av. J.-C., son fils Alexandre lui succéda à l’âge de 20 ans.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il serait bon de rappeler que l’histoire des nations et des pays a été faite par des hommes, acteurs ou simplement spectateurs des événements de leur époque, et que certains de ces hommes, d’une personnalité hors du commun, ont pesé d’une façon déterminante sur le cours des événements et de l’histoire de leur peuple.

 

Chapitre I

Des événements récents de brûlante actualité, dont certains puisent leurs racines directes de la fin du XIXe siècle et de l’époque post-coloniale, viennent nous rappeler brutalement que la Syrie, hormis quelques rares périodes de paix et d’épanouissement commercial et culturel, ne fut malheureusement à d’autres époques qu’un champ de bataille et de convoitise pour tous les grands conquérants de l’histoire.

En effet, tout au long de son histoire, le Proche-Orient est le théâtre d’ingérences et d’emprises étrangères incessantes. Pour les sociétés de cette région, il y avait donc une double nécessité : résister par les armes ou par d’autres moyens aux interventions venues de l’extérieur et trouver leurs propres solutions aux transformations internes. Avec le temps, ces sociétés ont appris à maîtriser ce jeu avec les puissances étrangères dominantes du moment et à en retirer les profits désirés. Si à l’intérieur le pouvoir montre quelque faiblesse, il est toujours possible d’utiliser des forces extérieures, en jouant de la rivalité des grandes puissances entre elles.

À ce jeu subtil et délicat, le Proche-Orient, doublement imprégné de culture orientale et de culture occidentale, a réussi jusqu’à présent, grâce à sa large part d’histoire commune avec l’Occident, à éviter tout acte ou discours de rupture radicale entre les deux mondes, susceptible de générer un courant irréversible et catastrophique d’amputation réciproque.

Pour en revenir à la Syrie, l’Aram de la Bible, voici donc un bref aperçu de l’histoire de ce pays depuis les origines historiques :

Carrefour de trois continents et point de convergence des civilisations de Babylone, d’Égypte, et de Grèce ; occupée par les Sémites depuis le IIIe millénaire av. J.-C. : Amorrites, Mitanni, Cananéens ; puis conquise successivement par les Égyptiens (XVIe s. av. J.-C.), les Hittites (XIVe s. av. J.-C.), les Araméens (Xe s. av. J.-C.), les Assyriens (VIIIe – VIIe s. av. J.-C.), les Perses (539 av. J.-C.), les Grecs (IVe s. av. J.-C.), les Romains (Ier s. av. J.-C.), les Arabes musulmans (VIIe s. apr. J.-C.), les Croisés (XIIe – XIIIe s.), les Mamelouks (XIVe s.), les Turcs ottomans (XVIe – XIXe s.), les Français, en Syrie et au Liban (1920-1946), les Anglais en Palestine (1920-1947).

Avant et depuis la conquête grecque de la Syrie en 333 av. J.-C. jusqu’à la conquête arabo-musulmane en 635 apr. J.-C., six États formidables se succédèrent pour gouverner la Syrie, dont l’Égypte, qui fut écartée de ce pouvoir pour plusieurs siècles, jusqu’à l’avènement des dynasties Fatimides, Ayyoubides et Mamelouks au Caire, du Xe siècle au XVe siècle.

1. l’Égypte

L’État le plus ancien au monde est né en Égypte. Armée, administration, écriture (hiéroglyphes), gestion et répartition de l’eau pour les besoins de l’agriculture.

Ménès, premier pharaon de l’Ancien Empire (vers 2800 av. J.-C.), fit de Memphis au nord du pays sa capitale. Durant la période de l’ancien Empire, les pharaons Kheops, Khephren et Mykérinos firent bâtir des tombeaux, les pyramides, glorifiant leurs règnes.

L’Égypte atteint son apogée sous le Moyen Empire (vers 2000 av. J.-C.) et installe sa capitale à Thèbes, dans le sud. Son pharaon le plus célèbre fut Ramsès II (1301-1235 av. J.-C.). Nouvel Empire (vers 1500 av. J.-C.). Puis la dernière dynastie « Saïte » indépendante de l’Égypte (vers 664 av. J.-C.), qui établit sa capitale Saïs dans le Delta du Nil, se termine par la conquête perse en 525 av. J.-C.

Malgré de longues périodes de guerre et d’anarchie, l’Égypte connut une civilisation très raffinée et une architecture prodigieuse, dont les superbes ruines à Louksor et à Karnak représentent, entre autres, les plus beaux exemples.

2. La Mésopotamie

L’État apparut en Mésopotamie (vers 2600 av. J.-C.), d’abord à Sumer dans le sud, puis sur le moyen Euphrate (vers 1730 av. J.-C.), où régna Hammourabi, roi de l’ancien empire de Babylone, ensuite sur le haut Tigre, où depuis leur capitale Ninive, dominèrent les dynasties des rois assyriens conquérants (Teglat-Phalazar, Sargon, Assurbanipal). Enfin, de nouveau au sud, le dernier empire mésopotamien avec pour capitale la prodigieuse Babylone[6] et le grand roi Nabuchodonosor qui fit déporter les Juifs hors de Palestine (587 av. J.-C.).

La civilisation mésopotamienne fut aussi éblouissante que celle d’Égypte : Code de lois de Hammourabi, architecture grandiose, malheureusement bâtie en brique, matériau qui se conserve mal, Jardins Suspendus, mode de vie raffiné.

Les rois Perses Cyrus (550-530 av. J.-C.) et son fils Cambyse (530-522 av. J.-C.) mirent fin à l’indépendance de la Mésopotamie et de l’Égypte. Il s’agissait de nomades indo-européens, héritiers des Scythes[7]. Ils conquirent le Pendjab à l’est, et à l’ouest la Thrace et la Macédoine. Ils battirent les Mèdes d’Iran (vers 550 av. J.-C.) et créèrent un immense empire Achéménide englobant une partie de l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Égypte, la Mésopotamie et l’Iran. Leurs capitales furent Ecbatane puis Persépolis.

Le roi Darius I et son fils Xerxès I (486-465 av. J.-C.) firent la guerre aux Grecs (guerres médiques). Athènes fut conquise et brûlée, mais les galères athéniennes écrasèrent la flotte du grand Roi à Salamine (île de Grèce) en 480 av. J.-C.

Bien après la chute de l’empire perse par la conquête d’Alexandre (331 av. J.-C.) et la mort de Darius III Codoman (330 av. J.-C.), l’Iran resurgira dans l’Histoire avec l’empire parthe (les Arsacides) au début de notre ère (-250/224 a.j.c.) puis par l’empire sassanide, dont le roi le plus célèbre fut Khosrô II (590-628), et qui s’étendit des confins de l’Inde à ceux de l’Arabie. La conquête arabe en 641 mit fin à cet empire.

3. La Grèce

 

… je vous avoue, continua le roi [de la Bétique], que lorsque j’entends parler de ces prodigieuses armées que l’Orient vomit de son sein, et de leur étonnante magnificence, quand je les compare à nos petits corps de vingt à trente mille soldats qu’il est si difficile de vêtir et de nourrir, je suis tenté de croire que l’Orient a été fait bien longtemps avant l’Occident : il semble que nous soyons sortis avant hier du chaos et hier de la Barbarie. Sire, dit Amazan, les derniers venus l’emportent quelquefois sur ceux qui sont entrés les premiers dans la carrière.

Voltaire, La princesse de Babylone

 

Le barbare dorien[8], au contact des climats moins durs, avait discipliné sa violence ; mais il restait rugueux, très primitif. C’est à une race tout à fait inculte qu’allait échoir l’héritage intellectuel de l’Égypte et de l’Asie, qui lui demandaient, en échange de leur haute spiritualité et de leur profond sensualisme, l’élan et la puissance de sa virilité. Toutefois, l’universel Mystère échappe à l’âme grecque parce qu’elle le fait tenir dans les bornes de la raison. C’est de l’Intelligence pure et parfaite ; mais, limitée, elle ne vit aucune illusion supérieure. L’âme miraculeuse et fatiguée de l’Asie recouvre sa foi au contact d’une énergie virile qu’elle éclaire de l’intelligence dans un échange inattendu.

Plus tard, l’âme héroïque de la Grèce va fuir par trois blessures : le triomphe de Sparte, l’enrichissement d’Athènes, le règne de l’intellectualisme. La sensibilité grandit aux dépens de l’énergie morale, la raison déborde la foi, l’enthousiasme s’émousse au contact de l’esprit critique.

Terre natale de Zeus, la Crète a toujours passé pour la mère de la civilisation grecque. Terre des mythes du roi Minos, de Dédale, architecte du Labyrinthe, et celui du Minotaure, monstre à tête de taureau. Tournée vers l’Europe, elle est aussi, dans l’Égée, le dernier pont entre la Grèce et l’Asie Mineure. Elle a ainsi pu entrer très tôt en contact avec les civilisations de l’Euphrate. Mais elle est en même temps la dernière île européenne située vers le sud : aussi a-t-elle pu nouer avec la brillante civilisation égyptienne des liens dont, jusqu’au temps de Platon, se conservait le souvenir.

Plus que toute autre nation antique, la Grèce hante nos imaginations par ses légendes, la richesse de son patrimoine artistique et littéraire, la splendeur de ses paysages, la beauté dans l’ordre des formes comme de la pensée, ses leçons de sagesse ou d’héroïsme, l’organisation de la cité, la civilisation hellénistique.

L’épithète d’« hellénistique » a été donnée à la période qui s’étend de la mort d’Alexandre à la conquête romaine, période de deux siècles qui virent l’hellénisation d’une partie du monde oriental, la fusion des Grecs et de l’Orient. Antioche en Syrie et Alexandrie en Égypte en sont devenues les centres culturels, en attendant que vint le tour de Byzance.

Les cités grecques, à l’époque hellénistique, se réunirent entre elles en plusieurs fédérations afin d’acquérir une résistance suffisante. Toutefois, la Grèce fut entièrement conquise par Rome en 146 av. J.-C. et devint province romaine.

On a dit souvent, après Horace, que les vaincus avaient conquis les vainqueurs. Par la force brutale, ce sont les romains qui dominent. Mais la Grèce, au contraire, du point de vue intellectuel demeura la grande nation, car les Romains reconnaissaient la supériorité sans conteste des Grecs dans les domaines de l’intelligence, de l’art et du sens du Beau.

4. Rome

 

Delenda est Carthago (Carthage doit être détruite.)

Caton

 

Dès ses débuts, Rome est elle-même. Disciplinée, égoïste, dure, fermée, cherchant hors d’elle-même son aliment. Son symbole est la louve. Tendue vers la conquête et la guerre méthodique, toutes les résistances rencontrées – Pyrrhus, Carthage, Hannibal – ne seront pour elle que des moyens de cultiver sa volonté et de l’accroître. L’Idéal romain, au long de l’histoire, a l’uniformité et la constance d’une règle administrative. Le Romain imposera à la famille, à la société, à la nature, la forme de sa volonté, son droit, ses annales. Ses routes, il les bâtira dalle après dalle, moellon après moellon, comme, parti de Rome, il s’étendra sur les plaines, les monts, les mers, cercle après cercle. Le sang part du cœur, revient au cœur. Rome est dans tout l’Empire ; tout l’Empire est dans Rome.

Pour souder cette ville isolée au reste du monde, matériellement, moralement, il fallait un orgueil énorme, une énorme énergie, d’énormes travaux toujours plus colossaux.

Avec l’Asie asservie, la paix imposée, la soif et la liberté de jouir ont fait leur entrée à Rome. Elle s’y rue avec sa force de conquête et d’autorité, dans le jeu, l’amour, la paresse et le vice, comme elle l’avait fait dans la guerre, la loi, l’histoire, la construction de la Cité. Rome ne se contente plus de faire sentir aux limites de son Empire les pulsations de son cœur ; elle transporte au-dedans d’elle jusqu’à la matière de son Empire.

Les hommes de toutes les races l’engorgent, y traînant derrière eux leurs mœurs, leurs dieux, leurs sols. Après les aqueducs, après les routes, on bâtit des thermes avec d’immenses piscines, on construit des amphithéâtres, des cirques où des armées s’égorgent, où quatre-vingts mille Romains assistent à des jeux et à des spectacles insensés, souvent baignés dans le sang. Le Romain s’enfonce avec frénésie dans sa lourde, grossière et cruelle sensualité.

L’architecture religieuse officielle déborde d’ornements qui lui font perdre sa beauté. La colonne corinthienne, avec son chapiteau écrasé par l’entablement, est utilisée dans toutes les constructions. Les coupes d’argent romaines sont encombrées de formes ciselées. Ce qui prévaut, c’est le mauvais goût « nouveau riche ».

Echappant à ce mauvais goût commun, les aqueducs, les ponts, les thermes et les amphithéâtres ne portent pas d’ornements. Ce sont, avec les portraits positifs travaillés dans le marbre, ses seules œuvres d’art réel. Ils sont hauts, droits, épais et solides ; ils ont la rigueur du calcul, la force de la volonté, l’autorité de l’orgueil, la beauté de la simplicité. Ils ont traversé les siècles et racontent l’histoire de Rome et de son Empire.

Cette force colossale, cet équilibre romain sans pareil, fut miné, puis chancela, non par les guerres ou les rivalités des classes dirigeantes, mais par les classes les plus pauvres, les plus misérables et, plus bas encore, les esclaves. La marée mystique des pauvres, née du scepticisme hellénique, monte et va submerger le matérialisme romain. Ce fut alors le triomphe du Christianisme qui se voulait égalitaire.

La religion domine souvent le IIe siècle. Elle exerce sur les destinées des peuples et des nations, soumis ou alliés de Rome, une influence prédominante. Entre 96 et 193, cent années qui voient surgir les premières confrontations hostiles entre le paganisme et le christianisme naissant.

5. Byzance

 

… Pousse Frédéric [Barberousse, empereur germanique (1155-1190)] vers l’Orient, parce que c’est de là-bas que vient la lumière qui t’illuminera comme le plus grand d’entre tous les rois.

Umberto Eco, Baudolino

 

Byzance a prolongé le monde antique jusqu’à la fin du Moyen-Âge. Elle conserva la culture gréco-romaine lors de l’invasion de l’Europe par les barbares et la fin de l’Empire Romain d’Occident en 476.

Byzance, c’était la loi de Rome, l’opulence de Babylone, la curiosité d’Athènes. Le Christianisme fut adopté au IVe siècle par l’autocrate Byzantin et codifié par les conciles. Le schisme de 1054 qui sépara de Rome l’Église d’Orient consacra la séparation politique de l’Empire Romain d’Orient et celui d’Occident.

« Au temps de la jeunesse de Byzance, Alexandrie vit encore. La croissance de l’une et le déclin de l’autre mêlent leurs voix confusément. Byzance, à qui l’Asie transmet, par la Perse sassanide, l’esprit des hauts plateaux et de la contrée des fleuves, est sensible par dessus tout, parce que grecque, à l’apport des artistes du Delta du Nil qui lui révèlent en même temps que le portrait profond et maladif de l’Égypte hellénisée, le portrait aux yeux insondables, leur industrie décorative, la mosaïque, les guirlandes de feuillages, de fruits, d’amours et d’animaux dont les peintres pompéiens décoraient aussi les murs. » (Elie Faure, Histoire de l’art)

La Syrie, province byzantine, fut conquise en 634-638 par les Arabes-musulmans. Constantinople, capitale de l’Empire, fut conquise et pillée en 1204 par les Croisés lors de la 4e Croisade. Byzance tomba en 1453 sous les coups des Turcs ottomans et Constantinople devint Istanbul.

6. Islam

Avec la conquête musulmane, la Syrie tourne une page de son histoire et se convertit, majoritairement et durablement, à l’Islam, nouvelle et dernière religion monothéiste, révélée à Mahomet, l’Envoyé de Dieu, par l’ange Gabriel.

Contrairement au Christianisme, qui, par essence, ne mélange pas religion et politique, et qui s’était propagé à ses débuts grâce à la parole du Christ transmise par ses apôtres et leurs successeurs, avant de devenir, au IVe siècle, religion officielle de l’État Byzantin, l’Islam, religion conquérante, s’identifie au politique car le Prophète et ses successeurs, les Califes, sont aussi chefs de guerre et « Commandeurs des croyants ». Par ce fait, l’Islam estime légitime de conquérir par les armes, grâce au djihad, de nouveaux pays et d’autres nations. Le principe de la « guerre sainte », inconnu jusqu’alors, est posé, entraînant les peuples dans un engrenage de guerre et de violence, dont les conséquences se font sentir jusqu’à nos jours.

Toutefois, l’Islam tolère dans son espace les autres religions monothéistes. Chrétiens et Juifs peuvent garder leur foi sous commandement musulman, à condition d’accepter un statut inférieur, celui de dhimmī, et de payer l’impôt.

Les armées arabes conquirent très vite la Syrie (635) et l’Afrique du nord (641) et passèrent en Espagne (711). À l’est, ils subjuguèrent la Perse (641) et arrivèrent aux confins de la Chine (707). Pour un temps, la capitale du nouvel Empire, sous la dynastie des Omeyyades, fut Damas (661-750).

Quand Justinien avait fermé les écoles d’Athènes et chassé de l’Empire les artistes et les savants, c’est auprès du roi sassanide Khosrô qu’ils s’étaient presque tous réfugiés.

Les Arabes, nouveaux maîtres de l’Iran, y trouvèrent les trésors arrachés au naufrage qui permirent aux savants d’initier l’Europe nouvelle à la pensée antique.

Alors que l’ombre s’épaississait en Occident, les Califes ouvraient des universités, creusaient des canaux, traçaient des jardins, reconstituaient la géométrie, la géographie, la médecine, créaient l’algèbre, couvraient les terres conquises de caravansérails, de mosquées, de palais. Le papier et l’imprimerie, la céramique, le tissage des étoffes décorées, le violon, les échecs, les cartes à jouer, les textes et les traités musicaux sont entrés en Occident par le truchement des Arabes, ainsi que nombre de produits comestibles : le sésame, le riz, le citron, le mil, les melons, les abricots, le gingembre, le sucre et les friandises ; idem pour les miroirs et les vitres en verre. Ce fut, sur le fond noir de l’histoire de ce temps-là, une féerie éblouissante, un grand conte héroïque des Mille et une nuits !

En deux cents ans, les Arabes avaient conquis de très vastes territoires. Des peuples de races, de langues, de pensées, de philosophies extrêmement différentes se fondirent, contre toute attente, en un seul bloc, étroitement cimenté par la même foi, d’où surgit une civilisation et un art, qui, sans rien rejeter du passé, affirmèrent, d’emblée, une étonnante unité et une profonde originalité. L’architecture fut l’art musulman par excellence et celui qui a produit les réussites les plus remarquables. Le miracle de l’esprit arabe, c’est qu’il fut lui partout et partout domina sans rien créer par lui-même. Il laissa aux peuples convertis à l’Islam la liberté d’exprimer au gré de sa nature l’enthousiasme nouveau qu’il a su lui communiquer. Partout où il s’est arrêté, il est resté maître des cœurs.

Le cadre du récit ayant ainsi été bien défini, nous passerons dans le chapitre suivant à l’histoire de la Syrie proprement dite, s’étendant sur une période de 1000 ans.

***


 

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[1] Démocratie : de démos, peuple, et kratos, pouvoir.

[2] Monarchie : de monos, seul, et arkhê, commandement.

[3] Ploutocratie : de ploutos, richesse.

[4] Oligarchie : de oligoi, peu nombreux.

[5] Péloponnèse : presqu’île du sud de la Grèce, sous les Ottomans nommée Morée.

[6] Proche de l’actuelle Bagdad mais sur l’Euphrate.

[7] Peuple de langue iranienne établi entre le Danube et le Don.

[8] Peuple indo-européen qui envahit la Grèce vers la fin du IIe millénaire av. J.-C.

 

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