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Efficacité

   Pour que les moyens mis en œuvre dans une action permettent d'atteindre la fin recherchée, il ne suffit pas qu'ils soient non-violents, encore faut-il qu'ils soient effi­caces. Mais qu'est-ce que l'efficacité? Et quelle est l'ef­ficace de l'efficacité ? Si l'efficacité est le critère de la valeur de l'action, quel sera le critère de l'efficacité ? Depuis des siècles, lorsqu'il faut agir dans l'histoire, nous sommes habitués à penser l'efficacité comme étant essen­tiellement l'effet de la violence. Plus ou moins consciem­ment, nous en sommes arrivés à identifier la force de l'ef­ficacité à l'efficacité de la violence. Pourtant, maintes fois, la violence a fait montre de son inefficacité à appor­ter une solution humaine aux conflits humains. Par ailleurs, l'expérience de nombreuses luttes a montré l'ef­ficacité de la stratégie de l'action non-violente pour per­mettre aux hommes et aux peuples de recouvrir leur dignité et leur liberté. Certes, cette efficacité est toujours conditionnelle, incertaine, limitée, relative, et l'échec est toujours possible, mais l'action non-violente permet à l'homme d'avoir une attitude cohérente et responsable face à la violence des autres hommes.

   Ce serait détruire les fondements mêmes de la morale que de prétendre, au nom du réalisme, que l'efficacité est le critère décisif de la valeur des actions de l'homme. Sur une telle pente, on en vient vite à affirmer la légitimité morale de la violence, dès lors qu'elle apparaît comme le seul moyen capable de garantir l'efficacité de l'action. Au nom d'un prétendu réalisme politique, les idéologies affirment que la violence est seule efficace pour agir dans l'histoire. Pourtant, l'expérience atteste que lorsque les hommes congédient toute morale pour rechercher l'effi­cacité à tout prix, toutes les déviances deviennent possi­bles. Les idéologies de l'efficacité, toujours et partout, ont justifié les pires exactions. La recherche de l'effica­cité à tout prix tourne le dos au réalisme. Car l'action se trouve alors prisonnière d'une logique meurtrière incapa­ble de construire une solution politique aux conflits.

   Généralement, pour convaincre les gens de renoncer à la violence, il ne suffira pas de faire valoir que l'action non-violente peut être efficace. Le plus souvent, on ne choisit pas la violence pour son efficacité, mais pour ellemême. Ce qui fascine les hommes dans la violence, c'est la violence elle-même. La violence exerce sur l'individu un formidable pouvoir de séduction, surtout lorsqu'elle est collective et qu'elle se veut au service de la bonne cause. Il n'est pas rare que les hommes choisissent la vio­lence non pas à cause de son efficacité, mais malgré son inefficacité.

   On aura beau accumuler les exemples de l'efficacité de l'action non-violente, cela ne suffira pas à faire perce­voir la vérité de la non-violence. Elle est d'un autre ordre. Pour que les hommes cessent d'être violents, il faut qu'ils décident d'opter pour la non-violence. Cette option exis­tentielle est d'essence spirituelle. Dans le même temps, il leur faut déconstruire l'idéologie de la violence qui ren­force l'armement de leurs sentiments, de leur volonté et de leur intelligence.

   Toute action déclenche un « processus» nouveau qui s'inscrit dans un réseau de relations humaines. L'effet d'une action ne s'épuise pas dans un seul acte, il se propage et se répercute dans le milieu humain où il inter­vient. Toute action provoque de multiples ré-actions d'au­tres hommes, déclenche une réaction en chaîne. Pour une large part, ce processus échappe à celui qui a agi en pre­mier. Il y a les conséquences de l'action, les conséquen­ces de ses conséquences, et encore les conséquences des conséquences de ses conséquences, et ainsi de suite à l'in­fini ... Il est extrêmement difficile pour l'acteur de prévoir les conséquences de son action ; en réalité, il ne peut à l'avance connaître l'efficacité de son acte. Celle-ci ne se réduit pas au résultat obtenu immédiatement; elle ne peut être appréciée qu'à long terme. Toute action a un effet de contamination qui se répercute dans le temps. L'incertitude, quant aux résultats de l'action, oblige l'ac­teur à faire preuve d'une permanente prudence à l'égard de la violence. Le processus déclenché par l'action vio­lente risque fort de provoquer des ré-actions également violentes de la part des autres, de prolonger l'effet des­tructeur de la violence à travers un engrenage sans fin. Nous avons la plus grande certitude de l'injustice des moyens de la violence, tandis que nous sommes dans la plus grande incertitude quant à la possibilité que ces moyens nous rapprocheront de la fin juste par laquelle nous sommes tentés de les justifier. L'imprévisibilité des conséquences d'une action plaide en faveur de la non-violence.

   Ce serait une erreur de méthode de vouloir juger l'efficacité de la non-violence selon les critères sur les­quels nous apprécions l'efficacité de la violence. Il importe de rompre avec une conception purement instrumentaliste, mécaniste, techniciste, somme toute matéria­liste, de l'efficacité. L'efficacité d'une action doit être jugée sur l'influence qu'elle exerce sur le rapport des consciences, et non seulement sur l'effet qu'elle produit sur le rapport des forces. Un critère essentiel de l'effica­cité d'une action est sa bienfaisance ou sa malfaisance pour les autres consciences. Il importe de prévoir les conséquences de nos actes sur le devenir des autres cons­ciences. La certitude que l'adversaire est un autre homme avant d'être un ennemi est au cœur de l'option pour la non-violence. L'obligation de respecter l'humanité de l'adversaire exige de ne pas blesser, de ne pas humilier sa conscience. Plus que cela, elle exige de tenter d'éveiller sa conscience. Dans l'immédiat, l'action non-violente peut échouer aussi bien à convertir l'adversaire qu'à le contraindre, et il faut reconnaître que, dans cette circons­tance et à ce moment, elle est inefficace. Mais l'échec à court terme de l'action non-violente ne lui fait pas perdre son sens. Pour l'essentiel, la valeur de la non-violence, ce qui en fait le prix au regard de l'exigence éthique, se trouve en elle-même et non pas dans son efficacité immé­diate. Elle ensemence l'à-venir. Si la finalité de l'homme est de donner sens à son existence et à son histoire, l'action efficace est celle qui lui permet de réaliser ce sens. L'efficacité première de la non-violence, c'est de donner sens à l'action humaine.

   Cependant, la non-violence, comme la contre-­violence, ne saurait éradiquer tout mal, tout le mal. Il serait illusoire d'attendre de la non-violence qu'elle vienne effacer le tragique de la finitude humaine. Il y a dans toute situation conflictuelle un «reste» de violence que la non-violence ne saurait dissoudre. Mais lorsque la non-violence atteint ses limites, les idéologues de la vio­lence auraient bien tort de triompher en assurant qu'ils ont, eux, la solution! Car là où la non-violence n'a pas réussi à vaincre le mal, la contre-violence risque fort d'échouer elle aussi. L'inefficacité de la non-violence n'est pas une preuve de l'efficacité de la violence.

   Cependant, alors que toute résistance non-violente appa­raît vouée à l'échec, si le recours limité à des moyens vio­lents semble efficace pour neutraliser des acteurs armés qui menacent autrui, il peut être nécessaire de les mettre en œuvre au titre du moindre mal.

 

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