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L’arc-en-ciel
de Dieu
Nazih Abou Afache L’homme : arbre solitaire de souffrance, triste et nu, qui nage dans un vent nu ! Ô Seigneur : si j’étais un arbre... un arbre véritable qui rit, nage, rêve et ne dit pas : « Façonnez-moi. » : Les arbres ne se façonnent pas. Les arbres ne font que rêver… … … … Les
arbres se lèvent sur leurs propres épaules, s’abreuvent
à leurs propres sources et
rêvent leurs propres immortalités… Les
arbres : immortalité des arbres. * …
Les arbres : une immortalité sans mémoire. La
mémoire : cimetière de la vie – un
cimetière mal aménagé, plein
d’humains, d’âges, de cercueils, de
passages… et de fenêtres closes ! Donc,
Seigneur : garde-moi dans une mémoire propre. Garde-moi
dans la mémoire d’un arbre-cœur. Garde-moi
bien et longtemps dans
l’eau salée de ta compassion : l’oubli ! * Si
tu crois vraiment en moi, mon Dieu… Dis-leur
– à ceux qui m’aiment – de m’inhumer sur le bord : le
bord du temps… et le bord de l’espace. J’ai
un désir exalté d’immortalité sur un bord… Désir
d’une belle mort, affectueuse, généreuse… et blanche. Simple
désir d’un mortel : blanc
désir de mort ! …
… … Efface-moi
donc. Si
tu crois vraiment en moi, efface-moi
bien, mon Dieu. Efface
les feuilles, les branches, le tronc, le cerveau… Efface
la terre aussi : la terre, demeure de la mort ; efface
tout cela entièrement… efface-moi en entier. Mais
laisse-moi ma racine : racine de souffrance généreuse qui
scintille dans sa propre nuit. Laisse-la
– ma racine – continuer
son voyage piétinant dans un vent de lumière. Laisse-la
rêver d’un fruit de lumière, d’une
feuille de lumière, d’une
rafale de lumière… :
Laisse-la rêver la lumière. * Le
fruit est blanc. La
branche est blanche. Les
feuilles sont blanches. Le
tronc est blanc. Les
rêves sont blancs… L’air, la terre, l’eau, l’azur… et la nuit aussi : tout est blanc ! Je
suis fils du « blanc ». Ainsi,
mes couleurs sont nombreuses, scintillantes, rayonnantes et convoitées. Je
suis : l’arc-en-ciel de Dieu… dépôt
de beauté inépuisable. Je
suis : le rêve du courlis. * Façonne-moi
donc, mon Dieu, en une racine qui
pend dans son ascension dans
les airs de cieux blancs. Fais-moi
blanc… blanc…
de toutes les couleurs… …
… … Je
suis to fils, ton pèlerin, celui qui te renie, le fils de ta compassion, l’héritier
de ton repentir, ton martyr, le serviteur de ton oubli… Donc :
façonne-moi… … …
… … … …
… … … Ta
porte est érigée sur une parole. La
mienne aussi. Nous
deux, en traversant, nous nous courbons… Nous
deux, disons : « Je suis affaibli, j’ai souffert, désespéré, enduré,
regretté, et mon âme s’est arquée ! » Seule
la « parole » demeure ainsi : haute,
droite, communicante… et
vivante (vivante dans la joie du courlis…). : La
parole : une déesse entendue (entendue mais non écoutée !) La
parole : lien secret et franc de notre sang, …
lien indestructible des temps. … :
Nous deux sommes une voix de lumière. …
Donc : façonne-moi… … … * Fais
de moi – si tu le veux – ce que tu veux, comme tu l’entends. Toi,
peut-être… Mais
moi, je ne regrette pas. : « Blancheur
: ce que l’on ne regrette pas. » * Je
suis ta demeure, ta table, ton pain et ton vin, ta
quête et le chemin de ta vérité… Donc :
ne crains pas pour toi-même l’embûche de la mort. Tu
es immortel dans ce que je vois et rêve :
immortel dans la blancheur du rêve du courlis. …
… … …
Et moi, ma demeure est là où chantent les courlis de mon aurore qui
m’aident à tisser les rêves. Ma
table est un chant, un vent, une envie blanche de blancheur… Ma
quête : « moi ». Je
n’ai pas de vérité : « La
vérité est blancheur ! » …
… … Donc
: blanc… et blanc Blanc
tel que tu m’as façonné, tel que j’ai aimé et désiré. Je
suis tout blanc : La
peau de ma bête, mes cornes, mon sang, la nostalgie de mes courlis, mes
sabots fendus, mes molaires, mon cœur,
mes nageoires, mes armes, la peur
de mes ennemis, ma perplexité, la couleur noire de mes yeux, mes os, mon
habit, la soif de ma langue et l’obscurité que j’étale alors que je
m’arque pour passer par
le portail (je m’arque pour passer…). Je
suis blanc, tout blanc et imprégné des rêves de ma blancheur… Ainsi…
je ne crains pas de me souiller :
« La blancheur est vérité… ». … …
Me voici arrivé sur
le bord ! …
… … Nuit du 30-31 décembre 2001***
*** *** Traduit par Nabil Ajan
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